A Monaco, mieux vaut blanchir ses magouilles que se promener à pied la nuit
Par Alexandre Oberlin le mercredi 25 juillet 2012, 20:37:00 UTC - Bric-à-brac - Lien permanent
Pourquoi craignent-ils les pèlerins solitaires à Monaco ?
À Monaco, il semble que la vidéo-surveillance n’ait fait qu’aggraver la manie bien compréhensible de se méfier des pèlerins solitaires : un citoyen français muni des ses papiers d'identité se promenant à pied la nuit s'expose à des mesures policières dont l'arbitraire n'a d'égal que le ridicule.
Une nuit de février 2011, je m’étais réveillé à minuit et demi dans mon camping-car stationné à Cabbé (Roquebrune Cap-Martin), à 2 km environ de Monaco. Ne parvenant pas à me rendormir, je décidai de faire une promenade à pied en direction de la principauté
Aux abords du centre, voilà que quatre excités en uniforme se précipitent vers moi au pas de charge. J'ai alors droit à l'interrogatoire délirant de l’individu, ressemblant à un barbouze recyclé et se prenant visiblement pour Sherlock Holmes, qui semblait commander cette équipe jeune et dynamique. Exemple de question : « Que faites-vous à deux heures du matin dans Monaco à essayer d'ouvrir des portes ? » Il va sans dire je n'ai touché à aucune porte ni portière : je ne n'ai fait que marcher. Je suppose que c’est ce genre de truc qu’on leur apprend à l’école de police : prêcher le faux pour savoir le vrai, ce que confirme l'air finaud qu'affiche le bonhomme.
Là-dessus, outre mes papiers d’identité, j’ai dû déballer aux quatre vents tout le contenu de mon sac à dos. J’ai également dû subir la « palpation » : en pleine rue, vous devez poser les mains en hauteur contre le mur, écarter les jambes, et vous laisser palper. Auparavant, on vous a prévenu de ne pas faire le moindre geste. Je ne sais pas comment ils réagissent si on bouge, je n’ai pas essayé. J’étais sous la menace permanente d’un bâton à électro-choc, et avec ces gens-là c’est comme avec les chiens-chiens : inutile de faire le malin tant qu’on a pas trouvé un gadin ou équivalent.
Visiblement fier du système de fichage en vigueur en ces lieux, le « boss » m’annonce que j’avais déjà été contrôlé dans Monaco quelques années auparavant, dixit l’« ordinateur ». Je demande pour quelle raison, et là à nouveau gros mensonge : le flic prétend que c’était à l’occasion d’une autre virée nocturne comme la présente (sous-entendu en vue de quelque autre rapine). En fait je me rappelle très bien qu’on avait arrêté mon véhicule pour un simple contrôle de routine alors que j’entrais dans Monaco.
Mais ça ne s'arrête pas là : on va maintenant me reconduire à la frontière en voiture, au mépris total de la liberté de circulation des personnes. Je demande s'il y a une loi qui interdit les promenades nocturnes dans Monaco : on me dit juste que ce n'est pas la France, que Monaco c'est spécial... En gros il n'y a pas de loi, c'est à la tête du client, et ici les rescapés des républiques bananières font ça au feeling. Je demande un justificatif de mon interpellation. On me dit non. Je redemande. On me redit non. Mais comme je continue à les tarabuster ils finissent par craquer et me donnent un joli papier bleu où figurent juste un ou deux prénoms de ce commando de choc, pour ma collection d’autographes...
Circonstance aggravante : ce n'est pas le dérapage de petits flics fatigués par la veillée tardive. Les sbires étaient sans cesse en contact avec la centrale qui leur dictait ces instructions navrantes. Et pourtant Monaco est censé appliquer les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes. Mais qu'attendre d'un État qui ne craint pas d'illustrer ses armoiries avec la plus immonde des crapuleries : demander l'hospitalité pour égorger ses hôtes ?
En effet, l'ancêtre de la dynastie Grimaldi, un Guelfe papiste, s'est introduit en 1297 dans la forteresse du rocher de Monaco en se faisant passer pour un moine pèlerin demandant l'hospitalité. Son armée était cachée aux alentours, et une fois admis à l'intérieur il a fait entrer ses soldats pour massacrer ses hôtes. Sympa non ?
Quatre ans plus tard, le félon est chassé de Monaco par les Génois. Cependant, il faut croire que ce genre d'exploit l'avait recommandé auprès de la « classe politique », puisque désormais les Grimaldi seront soutenus par le roi de France...